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courir si loin et si haut. Alors, on ne connaissait point l’aéroplane, dont les hardiesses et les habiletés nous sont familières. C’est l’image qui convient aujourd’hui pour donner l’idée exacte de l’allure propre à la pensée de Soloviev.

On le ferait bien rire s’il était encore là et nous entendait parler de la sorte. Pour mieux railler les louangeurs, il se raillerait lui-même. Car il avait autant d’esprit que d’humilité, un esprit fait d’intelligence et de justesse. C’est par là qu’était facilement combattue et vaincue la mélancolique disposition qu’entretenait en lui l’habituel souci des plus grands problèmes. Cet esprit, qui aurait pu être mordant et qui s’y refusait avec une sensibilité charitable, sans s’interdire toutefois les effets amusants et gracieux, possédait l’ironie, ou plutôt le sens de l’ironie. Appliqué sans repos à étudier les lois et les mystères de la nature humaine et du monde, Soloviev savourait puissamment la vérité dont il faisait la conquête ; mais une intelligence de cette vigueur et de cette finesse ne pouvait manquer d’apercevoir le contraste et la dérision qui guettent si obstinément les plus beaux succès. Alors, une soudaine et intense