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et psychologiques, demeurent, comme auparavant, sans solution. Seul, un résultat est clair, important quoique négatif : la complète déroute du matérialisme théorique. La danse des atomes, comme conception de l’univers ; la combinaison mécanique des moindres changements de la matière comme explication de la vie, cela ne peut plus satisfaire aucun homme qui pense. Pour toujours, l’humanité a dépassé ce degré de l’enfance philosophique. Mais il est évident qu’elle a aussi dépassé l’enfantine faculté de la foi naïve et non raisonnée. Des notions telles que Dieu ayant fait le monde de rien, etc., on cesse d’enseigner cela même dans les écoles primaires. Pour la conception de ces sujets un certain niveau général élevé s’est formé, au-dessous duquel aucun dogmatisme ne peut descendre. Et, si la très grande majorité des gens qui pensent est tout à fait incrédule, les rares croyants subissent tous la nécessité de devenir des penseurs, conformément au précepte de l’apôtre : Soyez des enfants par le cœur, mais non par l’intelligence.

Alors, parmi les rares croyants spiritualistes, se trouvait un homme remarquable — beaucoup l’appelaient sur-homme — également loin de l’enfance de l’esprit comme de l’enfance du cœur. Quoiqu’il n’eût que trente-trois ans, il possédait, grâce à son génie, une large renommée de grand penseur, d’écrivain et de réformateur social. Conscient de sa grande vigueur d’esprit, il avait toujours été spiritualiste convaincu. Son intelligence claire lui montrait toujours la vérité de ce à quoi il faut croire : le bien, Dieu, le Messie. Il