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cadres pour une armée nouvelle, énorme. Parlant la langue chinoise, les officiers japonais remplissaient le rôle d’instructeurs et avec beaucoup plus de succès que n’en avaient eu les officiers européens, désormais congédiés. L’innombrable population de la Chine, avec la Mandchourie, la Mongolie et le Tibet, fournissait suffisamment une excellente matière militaire. Bientôt le premier empereur de la dynastie japonaise put essayer avec succès les armes de l’empire renouvelé, en expulsant les Français du Tonkin et du Siam, les Anglais de la Birmanie, et en annexant à l’Empire du Milieu l’Indochine entière. Son successeur, Chinois par sa mère, et en qui s’unissaient la ruse et l’élasticité chinoises avec l’énergie, la mobilité et l’esprit d’entreprise des Japonais, mobilisa dans le Turkestan chinois une armée de quatre millions d’hommes. Pendant que le Tsun-li-Yamin informe confidentiellement l’ambassadeur russe que cette armée est destinée à la conquête de l’Inde, l’empereur envahit l’Asie centrale russe, y soulève toute la population, s’avance rapidement à travers l’Oural, inonde de son armée la Russie orientale et centrale. De leur côté, mobilisées au plus vite, venant de Pologne et de Livonie, de Kiev et de Vilna, de Pétersbourg et de la Finlande, les troupes russes se hâtent de se concentrer. Faute d’un plan de guerre établi d’avance et par l’effet de l’énorme supériorité numérique de l’ennemi, la valeur militaire des troupes russes ne pouvait leur servir qu’à succomber avec honneur. La rapidité de l’invasion ne leur laisse pas le temps de faire la concentration convenable ; aussi les corps d’armée sont-ils détruits successivement