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les mains du Japon le doux appât du panmongolisme, qui, en même temps, justifiait à leurs yeux la triste nécessité de s’européaniser extérieurement. Les Japonais leur répétaient avec énergie : « Frères obstinés, comprenez donc que nous prenons l’armement des chiens occidentaux, non point parce que nous les préférons, mais parce que nous voulons nous en servir pour les abattre. Si vous vous joignez à nous et si vous acceptez notre direction effective, non seulement nous aurons bientôt fait de chasser de notre Asie les diables blancs, mais, en outre, nous ferons la conquête de leurs propres territoires et nous établirons le véritable Empire du Milieu, qui régnera sur le monde entier. Vous avez raison de tenir à votre orgueil national et de mépriser les Européens ; mais c’est en pure perte que vous ne nourrissez ces sentiments qu’avec des rêveries et sans activité intelligente. Nous qui, à cet égard, vous avons devancés, nous devons vous montrer la voie de l’intérêt commun. D’ailleurs, regardez donc ce que vous a procuré votre politique de confiance en vous-mêmes et de défiance envers nous, qui sommes vos amis et vos défenseurs naturels : peu s’en faut que la Russie et l’Angleterre, l’Allemagne et la France ne se soient entièrement partagé la Chine ; et tous vos projets de tigres n’ont montré que la pointe impuissante d’une queue de serpent. » Les judicieux Chinois trouvèrent que ce raisonnement était fondé ; et la dynastie japonaise s’affermit. Naturellement, elle s’occupa d’abord d’organiser une armée et une flotte puissantes. La plus grande partie des forces militaires japonaises fut transportée en Chine et, là, servit de