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lutte décisive contre les étrangers, c’est-à-dire les Européens. Profitant de ce que, au début du vingtième siècle, l’Europe était occupée à en finir avec le monde musulman, ils commencèrent la réalisation du grand programme. D’abord, ils envahirent la Corée, ensuite Pékin, où, avec le concours du parti progressiste chinois, ils renversèrent la vieille dynastie mandchoue, en la remplaçant par une dynastie japonaise. Rapidement, ils réussirent à se réconcilier avec les conservateurs chinois. Ceux-ci comprenaient que de deux maux on fait mieux de choisir le moindre et que, par la force des choses, un parent est plutôt un frère. D’ailleurs, l’indépendance impériale de la vieille Chine ne pouvait plus se maintenir ; et il était inévitable de se soumettre, soit aux Européens, soit aux Japonais. Il était clair que la domination japonaise, en détruisant les formes extérieures de l’impérialisme chinois, devenues inutilisables aux yeux de tout le monde, ne modifiait pas les principes intérieurs de la vie nationale ; tandis que la domination exercée par les peuples européens, protecteurs politiques des missionnaires chrétiens, menaçait même les plus profonds appuis spirituels de la Chine. La haine que, jadis, les Chinois ressentaient pour les Japonais, datait de l’époque où ni les uns ni les autres ne connaissaient les Européens, devant lesquels, ensuite, l’inimitié de deux peuples parents prenait le caractère d’une discorde intestine et devenait absurde. Les Européens étaient entièrement des étrangers, uniquement des ennemis ; et leur suprématie ne pouvait en aucune manière flatter l’amour-propre de la race. Au contraire, les Chinois apercevaient dans