Page:Soloviev - Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, trad Tavernier, 1916.djvu/28

Cette page n’a pas encore été corrigée

de l’auditoire. Mais dans les salons de Petrograd et surtout de Paris[1], il ne s’agissait pas des risques administratifs que courait Soloviev. L’inquiétude était d’un autre genre ; selon le point de vue, elle était moins grave ou beaucoup plus grave. À certains moments, rares et très courts il est vrai, le philosophe russe semblait être entraîné par son sujet, par sa passion pour la logique, par son imagination audacieuse. On se demandait si cet élan hardi et impétueux n’allait pas se heurter à la contradiction des chimères et se briser dans le vide. Tendu à l’extrême, le merveilleux instrument de la plus noble pensée paraissait sur le point de perdre son équilibre et de se rompre. Mais c’était l’instant juste où Soloviev, avec une aisance et une sûreté souveraines, savait se marquer une limite d’où il redescendait tranquillement vers les régions connues de la raison et de la foi. On avait senti un frisson ; et tout de suite on se reprenait à contempler, avec une admiration rassurée toute entière, le retour rapide et calme de cette pensée qui venait de

  1. Et surtout encore dans le salon de notre ami Henri Lorin, homme de haute intelligence, cœur généreux dévoué aux grandes causes.