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LA DAME. – Moi, je le remarque depuis l’année passée et non seulement dans l’atmosphère, mais encore dans l’âme, où manque aussi la « pleine clarté » comme vous dites. Partout, une espèce d’inquiétude, une sorte de pressentiment de mauvais augure. Je suis persuadée, Prince, que vous avez la même impression.

LE PRINCE. – Non, je n’ai rien remarqué de particulier : l’atmosphère me semble être toujours la même.

LE GÉNÉRAL. – Vous êtes trop jeune pour constater la différence : vous n’avez pas de terme de comparaison. Mais quand on a des souvenirs de cinquante ans, alors cela est sensible.

LE PRINCE. – Je pense que la première supposition est la vraie : l’affaiblissement de la vue.

L’HOMME POLITIQUE. – Nous vieillissons, c’est hors de doute ; mais la terre ne rajeunit pas non plus ; on sent une espèce de lassitude réciproque.

LE GÉNÉRAL. – Ce qui est encore plus certain, c’est que le diable, avec sa queue, promène un brouillard sur la clarté divine. Voilà encore un signe de l’Antéchrist !

LA DAME (montrant M. Zqui descend de la terrasse). – Nous allons apprendre tout de suite quelque chose là-dessus.

(Tous reviennent s’asseoir à leurs places primitives ; et M. Zse met à lire le manuscrit qu’il a rapporté.)