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eux-mêmes l’Antéchrist, c’est le moment, pour vous, de nous exhiber son propre portrait.

M. Z… – Voilà donc où vous vouliez en venir ! Mais est-ce que, parmi les nombreuses représentations du Christ, même parmi celles qu’ont faites parfois des peintres de génie, il y en a une seule qui vous plaise complètement ? Moi, je n’en connais pas une qui soit satisfaisante. Je pense qu’il ne peut y en avoir, pour cette raison que le Christ est l’incarnation de son essence : le bien ; – incarnation individuelle, unique en son genre et, par conséquent, sans analogie avec aucune autre. Pour représenter cela, le génie artistique est insuffisant. Il faut dire la même chose de l’Antéchrist. C’est, également, l’incarnation du mal, incarnation individuelle, unique dans son achèvement et sa plénitude. Oui ne peut exhiber son portrait. Dans la littérature ecclésiastique nous trouvons seulement son passeport, avec des indications générales et particulières…

LA DAME. – Nous n’avons pas besoin de son portrait. Que Dieu nous en préserve ! Dites-nous plutôt pourquoi lui-même est nécessaire ; en quoi, selon vous, consiste l’essence de son œuvre et s’il viendra prochainement ?

M. Z… – Soit. Je puis vous satisfaire mieux que vous ne pensez. Un de mes anciens camarades d’études, qui s’était fait moine, m’a, il y a quelques années, au moment de mourir, légué un manuscrit, auquel il tenait beaucoup, mais qu’il ne voulait, ni ne pouvait imprimer. Le manuscrit est intitulé : Brève narration sur l’Antéchrist. Quoiqu’elle ait la forme ou la physionomie