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nous une personnelle et vivante existence. À vos yeux, le bien absolu et primordial n’est pas le père des lumières et des esprits, qui saurait nous éclairer et nous inspirer directement, mais un maître économe qui vous a envoyés cultiver sa vigne comme des mercenaires, et qui, vivant quelque part à l’étranger, réclame ses revenus par l’intermédiaire d’un envoyé.

LE PRINCE. – Comme si nous avions composé arbitrairement cette image !

M. Z… – Non ; mais, d’une façon arbitraire, vous y voyez le modèle supérieur des relations entre l’humanité et la divinité. Arbitrairement, vous rejetez du texte évangélique ce qui en est la substance – l’indication concernant le fils et l’héritier, dans laquelle réside le véritable modèle du rapport divino-humain. Le maître, les devoirs envers le maître, la volonté du maître. Là-dessus, voici ce que je vous dis : tant que votre maître se borne à vous imposer des obligations et à exiger de vous l’accomplissement de sa volonté, je ne vois pas comment vous me prouvez que c’est le vrai maître et non pas un imposteur.

LE PRINCE. – Voilà qui me plaît ! La conscience et la raison m’enseignent que les exigences du maître expriment seulement le bien le plus pur.

M. Z… – Pardon ; je ne parle pas de cela. Je ne conteste pas que le maître exige de vous le bien ; mais s’ensuit-il que lui-même soit bon ?

LE PRINCE. – Que voulez-vous dire ?

M. Z… – C’est singulier ! J’ai toujours pensé que la valeur morale de n’importe quel être se prouve, non point par ses exigences envers autrui, mais par ses