Page:Soloviev - Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, trad Tavernier, 1916.djvu/271

Cette page n’a pas encore été corrigée

les fidèles collaborateurs du bien lui-même ; et la moralité, au lieu d’être la « bonne conduite », toujours douteuse, devient, incontestablement, la vie dans le bien lui-même – développement organique et perfectionnement de l’homme tout entier – intérieur et extérieur, personne et société, peuple et humanité, afin qu’elle s’achève par l’unité vivante du passé ressuscité et de l’avenir réalisé dans l’éternelle actualité du royaume de Dieu, lequel existera sur la terre, mais seulement sur une terre nouvelle, amoureusement fiancée à un ciel nouveau.

LE PRINCE. – Je n’ai rien contre de telles métaphores poétiques ; mais pourquoi pensez-vous que les gens qui accomplissent la volonté de Dieu selon les préceptes évangéliques manquent de ce que vous appelez l’inspiration du bien ?

M. Z… – Non seulement parce que, dans leur activité, je ne vois pas les signes réels de cette inspiration, immenses et libres dans d’amour ; – parce que, n’est-il pas vrai, Dieu ne mesure pas l’esprit qu’il donne ; et je ne vois pas non plus la joyeuse et débonnaire tranquillité dans le sentiment de la possession de ces dons, même simplement élémentaires ; – mais, surtout, parce que je vous suppose dépourvu de l’inspiration religieuse, dont vous croyez, d’ailleurs, n’avoir pas besoin. Si le bien s’épuise par l’accomplissement de la « règle », alors, où trouvera place l’inspiration ? La « règle » a été donnée une fois pour toutes ; elle est décrétée et identique pour tous les individus. Celui qui a donné cette règle est mort depuis longtemps et, selon vous, n’est pas ressuscité et n’a donc pas pour