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de la conscience. Depuis longtemps, les moralistes comparent la voix de la conscience à ce génie ou à ce démon qui tenait compagnie à Socrate, le prémunissant contre les infractions au devoir, mais ne lui indiquant jamais d’une manière positive le devoir à remplir. On peut dire exactement la même chose à propos de la conscience.

LE PRINCE. – Comment serait-ce possible ? Est-ce que, par exemple, la conscience ne me suggère pas de donner assistance à mon prochain dans certains cas de nécessité ou de péril ?

M. Z… – J’ai grand plaisir à vous entendre dire cela. Mais si vous examinez soigneusement ces circonstances, vous verrez que le rôle de la conscience apparaît ici purement négatif : elle exige que vous ne restiez pas inerte ou indifférent devant le besoin du prochain ; mais ce que, précisément, vous devez faire pour le prochain, la conscience ne vous le dit pas elle-même.

LE PRINCE. – Parce que cela dépend des circonstances, de la situation où je suis et de celle du prochain à qui je dois donner appui.

M. Z… – Naturellement. Or, l’examen et l’appréciation de ces circonstances et de la situation, ce n’est pas l’affaire de la conscience, mais de la raison.

LE PRINCE. – Mais peut-on séparer la conscience et la raison ?

M. Z… – Il n’est pas nécessaire de les séparer. Ce qu’il faut, c’est les distinguer, précisément parce que, dans la réalité, il se produit parfois, non seulement séparation, mais opposition entre l’intelligence et la