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toute l’œuvre du Christ ; là, Son amour efficace pour nous et notre amour pour Lui. Le reste n’est que condition, moyen, allure. Sans la foi dans la résurrection accomplie par Un Seul, et sans l’attente de la future résurrection de tous, on ne peut parler qu’en paroles d’un Royaume de Dieu ; en fait, tout se réduit à l’empire de la mort.

LE PRINCE. – Comment cela ?

M. Z… – Voyons. Avec tout le monde vous reconnaissez que la mort est un fait, c’est-à-dire que les hommes, en général, sont morts, meurent et continueront de mourir. En outre, vous élevez ce fait à la hauteur d’une loi absolue, qui, selon vous, ne comporte aucune exception. Eh bien ! ce monde où, pour toujours, la mort possède la puissance d’une loi absolue, comment l’appeler, si ce n’est le royaume de la mort ? Votre Royaume de Dieu sur la terre, qu’est-ce que c’est, sinon un arbitraire et vain euphémisme pour désigner le royaume de la mort ?

L’HOMME POLITIQUE. – Moi aussi, je pense que c’est vain, parce qu’on ne peut remplacer une grandeur connue par une grandeur inconnue. Dieu, personne ne l’a vu ; et ce que peut être Son Royaume, personne n’en sait rien. Mais la mort des gens et des animaux, tous nous l’avons vue ; et nous savons qu’elle exerce dans le monde un pouvoir souverain, auquel personne ne se soustrait. Alors, pourquoi au lieu de cet a inscrire un x quelconque ? Cela n’a d’autre résultat que d’embrouiller et de scandaliser les « petits ».

LE PRINCE. – Je ne comprends pas. Sur quoi discutons-