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une prédominance positives des instincts inférieurs sur les instincts supérieurs, dans tous les domaines de l’existence. Il y a le mal individuel ; il s’exprime en ceci que les éléments inférieurs de l’homme, les passions bestiales et sauvages, s’opposent aux meilleures tendances de l’âme et les dominent, chez l’immense majorité des gens. Il y a le mal public – il s’exprime en ceci : que la foule des hommes, individuellement assujettis au mal, combat les salutaires efforts du petit nombre meilleur et les surmonte ; enfin, il y a le mal pour l’homme, le mal physique : il s’exprime en ceci, que les éléments matériels inférieurs de son corps combattent la force vivante et lumineuse qui les assemble dans la belle forme de l’organisme ; les instincts inférieurs s’opposent à cette forme et la brisent, en détruisant la base pratique de tout ce qui est élevé. C’est le mal extrême, appelé la mort. Si la victoire de cet extrême mal physique devait être considérée comme définitive et absolue, alors les prétendues victoires du bien dans le domaine social ou dans le domaine de la personnalité morale ne mériteraient pas d’être mises au nombre des progrès sérieux. Imaginons un homme de bien, Socrate, par exemple, ayant triomphé non seulement de ses ennemis intérieurs – les mauvaises passions – mais ayant réussi à vaincre et à réformer ses ennemis publics et à régénérer les mœurs grecques. Quel avantage représenterait cette éphémère et superficielle victoire sur le mal, si le mal triomphe définitivement dans les couches les plus profondes de la vie et sur les principes mêmes de la vie ? Ainsi donc, pour le réformateur et pour les