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ceux qui l’ont défigurée, pour ceux qui l’ont perdue et pour ceux qui veulent la restaurer : eux tous, selon vous, sont morts dans le passé, meurent à présent, mourront plus tard ; et de l’œuvre de bien, de la prédication de la vérité, rien, excepté la mort, jamais rien n’est venu, ne vient, ne promet de venir. Qu’est-ce que cela signifie ? Chose étrange : le mal, qui n’existe pas, triomphe toujours ; et le bien, toujours, s’enfonce dans le néant.

LA DAME. – Est-ce que les mauvaises gens ne meurent pas ?

M. Z… – Et même beaucoup… Mais la question consiste en ceci : que, par l’empire de la mort, la puissance du mal seul est confirmée, tandis que, au contraire, la puissance du bien est démentie. En fait, le mal est évidemment plus fort que le bien. Si cette évidence est admise comme la réalité unique, alors il faut reconnaître que le monde est l’œuvre du principe mauvais. Mais comment les gens deviendront-ils sages, s’ils jugent exclusivement d’après la réalité courante et visible, et si, par conséquent, ils admettent la visible prédominance du mal sur le bien, tout en affirmant que le mal n’existe pas et que, par conséquent, il n’y a pas lieu de lutter contre lui – cela, ma raison ne parvient pas à me le faire comprendre, et j’attends que le Prince me vienne en aide.

L’HOMME POLITIQUE. – Indiquez-nous donc d’abord le moyen que vous avez de sortir de cet embarras.

M. Z… – Il me semble que le moyen est simple. En réalité, le mal existe, et il ne s’exprime point par la seule absence du bien, mais par une opposition et