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notre prochain, aux vivants et aux morts, ce qu’il y a de meilleur et de plus agréable. Mais il ne s’agit pas de nos désirs. Il s’agit de ce qui, selon vous, est réelle ment résulté de la prédication et des exploits du Christ ainsi que de ses adhérents.

LE PRINCE. – Résulté pour qui ? pour eux ?

M. Z… – Eh bien ! soit : ce qui en est résulté pour eux, on sait que c’est la mort par le supplice. Mais eux, assurément, dans leur héroïsme moral, ils ont fait un sacrifice volontaire, non en vue de recevoir de brillantes couronnes, mais pour procurer le vrai bien à autrui, à toute l’humanité. Voilà pourquoi je demande quels biens l’héroïque martyre de ces hommes a-t-il procurés à autrui, à toute l’humanité ? Selon la vieille maxime, le sang des martyrs était la semence de l’Église. Cela est vrai en fait, mais, selon vous, l’Église a été l’altération et la ruine du vrai christianisme, tellement que celui-ci a été tout à fait oublié par l’humanité ; et, après dix-huit siècles, il faudrait restaurer l’œuvre entière, depuis le commencement, sans aucune garantie d’un meilleur succès, c’est-à-dire sans aucun espoir.

LE PRINcE. – Pourquoi sans espoir ?

M. Z… – Vous reconnaissez, je pense, que le Christ et les premières générations de chrétiens ont mis toute leur âme dans cette œuvre et ont donné leur vie pour elle. Si, cependant, selon vous, cela n’a rien produit, sur quoi pouvez-vous fonder l’espérance d’arriver à autre chose ? L’œuvre tout entière n’a produit qu’un seul résultat certain et constant, tout à fait identique pour les hommes qui la commencèrent, pour