Page:Soloviev - Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, trad Tavernier, 1916.djvu/261

Cette page n’a pas encore été corrigée

LE PRINCE. – Assurément c’est cela.

M. Z… – Mais si le mal n’a pas de réalité, comment, alors, expliquez-vous le frappant insuccès de l’œuvre du Christ dans l’histoire ? D’après votre point de vue, elle n’a rien produit, ou, en tout cas, elle a produit beaucoup plus de mal que de bien.

LE PRINCE. – Pourquoi cela ?

M. Z… – Votre question est étrange. Eh bien ! si cela vous parait incompréhensible, examinons-le méthodiquement. Le Christ, même selon vous, a, avec plus de clarté, de force et de logique que personne, prêché le vrai bien. N’est-ce pas ?

LE PRINCE. – Oui.

M. Z… – Et le vrai bien consiste à ne pas employer la force contre le mal, c’est-à-dire contre le mal prétendu, puisqu’il n’y a pas de mal réel.

LE PRINCE. – En effet.

M. Z… – Le Christ a non seulement prêché, mais il a Lui-même, jusqu’à la fin, accompli les obligations de ce bien en se soumettant sans résistance aux tourments du supplice. Selon vous, le Christ est mort et n’est pas ressuscité. Soit. À Son exemple, des milliers et des milliers de ses adhérents ont accepté le même sacrifice. Très bien. Et, selon vous, qu’est-il résulté de tout cela ?

LE PRINCE. – Voudriez-vous donc que des anges enguirlandent brillamment ces martyrs et les placent, en récompense de leurs exploits, sous les tentes des jardins célestes ?

M. Z… – Non. Pourquoi parler ainsi ? Assurément, moi, et je l’espère, vous aussi, nous souhaitons à tout