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un acrobate sur la corde raide : quel faux pas allait le faire trébucher ? Aucun. Savamment ramenée à l’idéal religieux, rassurante pour le plus rigide des conservateurs russes, la pensée de l’orateur côtoyait les précipices avec ces souplesses innées qui confondent toutes nos idées, dans le pays où l’on ne peut rien dire et où l’on peut tout dire. Le succès fut éclatant – éphémère comme ce cours bientôt suspendu. »

Dans les réunions intimes, dans un salon ou à table, Soloviev provoquait aussi l’admiration et l’enthousiasme, sans y songer le moins du monde. J’ai mentionné qu’il avait une multitude d’amis. Ceux-ci, à la lettre, se le disputaient. La formule : « Nous aurons Soloviev », était une invitation irrésistible et enviée.

Non point qu’il aimât se prodiguer, s’imposer ou beaucoup discourir. Son penchant fondamental était bien plutôt le recueillement, la méditation. Sa pensée ne savait pas s’accorder de répit pour se reposer ou se distraire. Fréquemment, on le voyait renfermé en lui-même, taciturne, assez mélancolique. Mais il était toujours prêt à payer de sa personne, en donnant, comme un prodigue, son érudition et ses idées, si l’entretien faisait surgir une affaire importante ;