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si votre royaume de Dieu laisse la mort intacte, on doit en conclure que les hommes vivent sans liberté et, dans votre royaume de Dieu, vivront précisément comme des champignons ; non pas les joyeux champignons que vous imaginez, mais les champignons réels, qui vont dans la poêle à frire. Bref, dans votre terrestre royaume de Dieu, les hommes auront pour destinée finale d’être la proie de la mort.

LA DAME. – Le Prince n’a pas dit cela.

LE GÉNÉRAL. – Ni cela, ni autre chose. Comment s’expliquer un tel silence sur l’affaire essentielle ?

M. Z… – Avant d’aborder cette question, je désirerais savoir où a été puisée la parabole dans laquelle, vous, Prince, vous avez exprimé votre manière de voir. Êtes-vous l’auteur de cette composition ?

LE PRINCE. – Comment ! une composition ! Mais cela vient de l’Évangile.

M. Z… – Non. Non. Cette parabole ne se rencontre dans aucun Évangile.

LA DAME. – Que Dieu vous assiste ! Comment pouvez-vous dénaturer la pensée du Prince ! Mais c’est la parabole des vignerons dans l’Évangile.

M. Z… – C’est quelque chose comme cela, au point de vue de l’affabulation extérieure, mais le contenu et le sens sont tout autres.

LA DAME. – Que dites-vous ?… Voyons !… Il me semble que c’est tout à fait la parabole elle-même. Vous subtilisez. Je ne vous crois pas sur parole.

M. Z… – Ce n’est pas nécessaire. J’ai le petit livre dans ma poche. (Il tire un Nouveau Testament de petit format et se met à le feuilleter.) La parabole