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l’affirmez sans aucune preuve. Par exemple, lorsque, dans ma jeunesse, j’exerçais une mission, je le savais d’une manière certaine ; de même, je savais de qui j’étais l’envoyé et pour quel but. Je le savais, tout d’abord, parce que j’avais là-dessus des documents incontestables ; je le savais, ensuite, parce que j’avais eu une audience personnelle de feu l’empereur Alexandre Nicolaïevitch, qui m’avait donné à moi personnellement ses hautes instructions ; enfin, parce que, trois fois l’an, je recevais dix mille roubles en or. Maintenant, si, au lieu de tout cela, dans la rue, un étranger s’approchait de moi et me déclarait que je suis un ministre, envoyé en tel endroit, pour telle chose, mon seul mouvement serait de regarder autour de moi pour voir s’il n’y a pas à proximité un agent de police, qui me protégerait contre un maniaque capable, s’il vous plaît, d’attenter à ma vie. Mais, dans le cas présent, vous n’avez pas de titres incontestables émanant de votre maître supposé ; il ne vous a pas accordé d’audience personnelle et il ne vous fournit pas de traitement. – Quel envoyé êtes-vous donc ? Et non seulement vous vous attribuez ce titre, mais vous l’attribuez à tous les autres hommes et, en outre, vous les inscrivez comme ouvriers. De quel droit ? Pour quel motif ? Je ne comprends pas. Je ne vois là qu’une improvisation de rhétorique, très mal inspirée d’ailleurs[1].

LA DAME. – C’est une nouvelle feinte. Vous comprenez très bien que le Prince ne s’est nullement proposé

  1. En français. (N. d. t.)