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puisqu’elle ferait appel à une juridiction inconnue. Mais, en somme, cela n’est pas sérieux. Supposons qu’ils disent, comme ils doivent dire : – Nous ne pouvons rien faire qui soit supérieur, ni égal, ni même inférieur à ce que le Christ a fait. – En bonne logique, que resterait-il à conclure d’un tel aveu ?

LE GÉNÉRAL. – Seulement ceci, je pense : que les paroles du Christ : « vous ferez ce que J’ai fait, et plus encore » s’adressaient non pas à ces messieurs, mais à quelque autre personne qui ne leur ressemblait pas du tout.

LA DAME. – Mais on peut s’imaginer un homme appliquant jusqu’au bout le précepte du Christ sur l’amour des ennemis et sur le pardon des offenses. Alors, il recevrait du Christ la puissance de transformer par sa douceur les âmes mauvaises et de les rendre bonnes.

M. Z… – L’expérience a été faite, il n’y a pas si longtemps. Elle n’a pas réussi ; et même elle a tourné au rebours de ce que vous supposez. Il y avait un homme qui ne connaissait pas de limites à sa mansuétude et qui non seulement pardonnait toutes les offenses, mais répondait à chaque nouvelle scélératesse par de nouveaux et plus grands bienfaits. Qu’est-ce qui en résulta ? Parvint-il à ébranler l’âme de son ennemi et à le régénérer moralement ? Hélas ! Il ne fit qu’endurcir le scélérat, dans les mains duquel il périt d’une manière lamentable.

LA DAME. – De quoi donc parlez-vous ? De quel homme s’agit-il ? Où et quand a-t-il vécu ?

M. Z… – À Pétersbourg ; et il n’y a pas très longtemps.