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d’autres personnes l’aient eue… Mais, attendez… Ce que vous venez de dire approche, il me semble, de ce dont vous parliez avant-hier avec le Prince : que le Christ lui-même ne put, malgré toute Sa bonté, rien faire de bon de l’âme de Judas Iskariote ou du mauvais larron. Là-dessus, la réponse appartient au Prince. Souvenez-vous-en quand il arrivera.

M. Z… Comme je ne le prends pas pour l’Antéchrist, je ne suis pas assuré de son arrivée, et encore moins des ressources de son esprit théologique. Alors, afin que notre entretien ne s’alourdisse pas d’une question non résolue, je présente la réponse que devrait faire le Prince, d’après son point de vue. Pourquoi le Christ n’a-t-Il pas régénéré par sa bonté les âmes mauvaises de Judas et Cie ? – Simplement parce que l’époque était trop enténébrée et parce que trop peu d’âmes se tenaient à la hauteur du progrès moral où se fait sentir la force intime de la vérité. Judas et Cie étaient encore trop peu « développés ». Mais le Christ lui-même a dit à Ses disciples : « Les œuvres que J’accomplis, vous les accomplirez aussi, et même de plus grandes. » C’est-à-dire ceci : au degré supérieur de développement moral dans l’humanité, degré atteint aujourd’hui, les vrais disciples du Christ peuvent, par la puissance de leur mansuétude et de la non-résistance au mal, accomplir des prodiges moraux plus grands que ceux qui étaient possibles il y a dix-huit siècles…

LE GÉNÉRAL. – Permettez ! permettez ! S’ils sont capables de les accomplir, pourquoi ne le font-ils pas ? Ou bien, avez-vous vu ces nouveaux prodiges ? Voyez