Page:Soloviev - Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, trad Tavernier, 1916.djvu/234

Cette page n’a pas encore été corrigée

lutte spirituelle, comme dans la lutte politique, la seule bonne paix est celle qui se conclut seulement lorsque le but de la guerre est atteint.

LA DAME. – En fin de compte, d’où provient la guerre entre le bien et le mal ? Ont-ils donc essentiellement besoin de combattre l’un contre l’autre ? Est-il possible qu’il y ait réellement entre eux collision, corps à corps[1]. Dans la guerre ordinaire, quand un des deux partis commence à se renforcer, et que l’autre cherche des appuis, le conflit doit se résoudre par de vraies batailles, avec des canons et des baïonnettes. Mais la lutte du bien et du mal se passe autrement ; et quand le bon parti gagne de la force, aussitôt le mauvais s’affaiblit. Entre eux, l’antagonisme ne va jamais jusqu’à une bataille réelle ; et tout cela ne se dit qu’au figuré. La seule chose dont il y ait lieu de se soucier, c’est que, dans le sein de l’humanité, la somme de bien soit plus grande ; alors les ressources du mal diminueront d’elles-mêmes, en proportion.

M. Z… – Donc, selon vous, il suffirait que les gens qui sont bons deviennent encore meilleurs pour que les mauvais perdent leur méchanceté, en attendant finalement de devenir bons eux aussi ?

LA DAME. – Il me semble qu’en effet c’est cela.

M. Z… – Avez-vous eu quelquefois l’occasion de voir la bonté d’un homme bon rendre bon un homme mauvais ou, simplement, le rendre moins mauvais ?

LA DAME. – Non, à dire vrai, je n’ai pas eu cette occasion, et je n’ai pas non plus entendu raconter que

  1. En français. (N. d. t.)