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de nouveaux apôtres du jeûne et du célibat, qui découvrent la vertu et la conscience comme une espèce d’Amérique et perdent le sens intime de la droiture et tout sens commun. Devant les premiers, ou ressent la nausée morale ; devant les seconds, on est vaincu par le bâillement physique.

LE GÉNÉRAL. – Oui. À l’origine, le christianisme était inconnu des uns et détesté des autres ; mais seule notre époque a réussi à le rendre odieux. J’imagine comment le diable s’est frotté les mains et s’est caressé le ventre après un tel succès. Hélas ! Seigneur !

LA DAME. – Vous pensez donc que c’est cela l’Antéchrist ?

M. Z… – Non. Nous possédons quelques indices explicatifs ; mais lui-même est encore dans l’avenir.

    francs-maçons et juifs ; – un abbé : qu’il vit dans l’attente du brillant avenir qui verra fabriquer des tapis à bon marché avec la peau des huguenots, des francs-maçons et des juifs, et que, comme bon chrétien, il foulera continuellement des pieds ces tapis. Ces déclarations, au milieu de quelques dizaines de mille autres du même genre, furent imprimées dans le journal la Libre Parole. (Note de l’auteur.)
    Soloviev était opposé à l’antisémitisme. Cependant, il ne se prononçait pas sur l’innocence ou sur la culpabilité du capitaine Dreyfus. Comme beaucoup d’écrivains étrangers, Soloviev avait subi l’influence des journaux qui réclamaient la révision du premier jugement. Les chiffres qu’il indique au sujet des déclarations haineuses faites par des souscripteurs du monuments Henry sont inexacts. Il y eut environ vingt mille personnes répondant à l’appel de la Libre Parole. Quatre ou cinq cents souscriptions (et non pas des dizaines de mille) avaient le caractère noté dans l’entretien. Elles étaient, d’ailleurs, généralement anonymes.) – (Note du traducteur.)