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pas, et plutôt elle m’intéresse, au point de vue de l’ensemble de l’humanité. Je sais que beaucoup de gens prennent la mystique au sérieux ; j’en conclus qu’elle exprime un caractère de la nature humaine, caractère qui chez moi est plus ou moins atrophié, mais qui continue de m’offrir un intérêt objectif. Ainsi, par exemple, je suis absolument nul en peinture ; je ne sais rien dessiner, pas même tracer une ligne droite ; avec les peintres, je ne discute pas ce qui est bien peint ou ce qui est mauvais. Mais les questions de peinture m’intéressent au point de vue de l’éducation et de l’esthétique générales.

LA DAME. – On ne doit pas s’irriter d’un sujet si inoffensif ; et, cependant, vous-même vous haïssez la religion. Tout à l’heure, vous avez dirigé contre elle une injure en latin.

L’HOMME POLITIQUE. – C’est vite parler d’injure. Comme mon poète favori, Lucrèce, je reproche à la religion ses autels ensanglantés et les gémissements des victimes humaines. Un écho de cette cruauté me parvient sourdement à travers les intolérantes déclarations de l’interlocuteur qui vient de refuser la discussion. Mais, en elles-mêmes, les idées religieuses m’intéressent beaucoup, principalement cette idée de l’"Antéchrist". Par malheur, il se trouve que je viens d’achever un livre de Renan ; et, là, toute la question est envisagée au point de vue de la science historique et tout aboutit à Néron. C’est peu de chose. Bien avant le temps de Néron, l’idée de l’antéchrist existait chez les Hébreux – au sujet du roi Antiochus Épiphane, et elle s’est conservée jusqu’à notre époque,