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et ce qu’elle renferme, vous le savez comme nous : ce sont tous les trésors de la pensée et du génie créés par les esprits élus des peuples élus.

LA DAME. – Mais tout cela ne forme pas une seule chose ; au contraire, une extrême diversité. Là se trouvent Voltaire, et Bossuet, et la Madone, et Nana, et Alfred de Musset, et Philarète. Comment réunir toutes ces choses en un seul tas et mettre ce tas à la place de Dieu ?

L’HOMME POLITIQUE. – Je voulais dire qu’à propos de la culture, envisagée comme trésor historique, nous n’avons pas lieu de nous inquiéter. Grâce à Dieu, elle est constituée, elle existe. On peut, je l’admets, espérer qu’il y aura de nouveaux Shakespeare et de nouveaux Newton, mais cela n’appartient pas à notre domaine et ne nous offre pas d’intérêt pratique. Cependant, la culture présente un autre aspect, pratique, ou, si vous voulez, moral ; et c’est précisément ce que, dans la vie privée, nous nommons civilité ou politesse. Cela, pour un observateur superficiel, peut sembler peu important ; mais cela présente une importance énorme, unique, précisément parce que, seul, cela peut prendre un caractère universel et obligatoire. On n’a pas le droit d’exiger de personne ni supérieure vertu, ni esprit supérieur, ni génie, mais on peut et on doit exiger de tout le monde la politesse. Cela, c’est le minimum de bon sens et de moralité qui permet aux hommes de vivre comme des hommes. Assurément, la politesse n’est pas toute la culture, mais elle est l’indispensable condition de toute existence cultivée. C’est absolument comme pour la lecture