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Pour la religion, nous avons la Bible, et l’Exposition n’a rien à y voir. » Le pauvre Charbonnel en a été désespéré au point de renier le Christ ; il a écrit aux journaux pour faire savoir qu’il se retirait de l’Église ; et aussi qu’il estimait beaucoup Renan. D’après ce qu’on m’a dit, la fin de son histoire n’a pas été brillante. Il aurait pris femme ou se serait mis à boire. Notre Nepluyev s’est, lui aussi, agité à propos de la même affaire ; mais il a fini par se désenchanter de toute religion. Cet idéaliste m’a écrit que, maintenant, toute sa foi se résume dans l’humanité. Mais comment faire pour représenter l’humanité toute seule à l’Exposition de Paris ? C’était une fantaisie, je pense. Pourtant, les Américains avaient très bien organisé leur affaire. Des ecclésiastiques des de toutes les religions ont répondu à leur appel. C’est un évêque catholique qui fut élu président. Il lut aux assistants le Notre Père, en anglais ; et les prêtres idolâtres, bouddhistes et chinois lui répondirent poliment « Oh ! oui ; très bien, Monsieur[1]. Nous ne souhaitons de mal à personne. Nous ne demandons qu’une chose : que vos missionnaires aillent où ils voudront, pourvu qu’ils restent loin de nous. Ce n’est pas notre faute, si vous n’observez pas votre religion, qui est si bonne pour vous. Mais, pour nous, notre religion est la meilleure de toutes. » Donc, l’affaire se termina fort bien. Pas de rixes ; et tout le monde s’émerveilla. Voilà de quoi ces Américains sont capables maintenant. Et qui sait si les Africanders d’aujourd’hui ne leur ressembleront pas plus tard ?

  1. En français. (N. d. t.)