Page:Soloviev - Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, trad Tavernier, 1916.djvu/209

Cette page n’a pas encore été corrigée

des Indiens, des Japonais, même, peut-être, des Chinois. L’Européen, c’est une idée dont le contenu est défini et dont les dimensions vont s’élargissant. En outre, regardez cette diversité : chaque homme est tel homme et en même temps un autre homme. Si donc nous reconnaissons pour notre essence cette idée abstraite, nous devrions arriver à l’uniformité égalitaire et ne pas mettre la nation de Newton et de Shakespeare au-dessus des Papous quelconques. Mais cela serait on ne peut plus absurde et pratiquement funeste. Au contraire, si mon essence n’est pas l’homme en général, c’est-à-dire une forme vide munie de deux jambes, mais l’homme en tant que porteur de culture, l’Européen, alors il n’y n plus lieu de parler de l’absurde égalité. L’idée d’européen, ou, ce qui est la même chose, l’idée de culture contient en elle une ferme mesure pour déterminer la dignité comparée ou la valeur des diverses races, nations, individualités. Une saine politique doit absolument faire entrer en ligne de compte ces diversités d’appréciation. Si nous placions sur le même rang l’Autriche, comparativement cultivée, et les Herzégoviniens, demi-barbares, nous serions tout de suite engagés dans les absurdes et dangereuses aventures pour lesquelles soupirent les derniers Mohicans de notre slavophilisme. Il y a Européen et Européen[1]. Même après qu’aura sonné l’heure désirée, et, je l’espère, prochaine, où le monde civilisé se confondra réellement en étendue avec toute la population du globe terrestre et lorsque, ainsi, sera

  1. En français. (N. d. t.)