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L’HOMME POLITIQUE. – Non, cela est trop large et indéterminé. Ainsi, les Papous et les Esquimaux sont des hommes ; et pourtant je refuse de considérer comme propre à ma qualité d’homme ce que j’ai de commun avec les Papous et les Esquimaux.

LA DAME. – Néanmoins, il y a des choses très importantes qui sont communes à tous les gens : par exemple, l’amour.

L’HOMME POLITIQUE. – C’est encore plus large. Comment pourrais-je reconnaître l’amour pour mon essence spécifique puisque je sais qu’il est naturel aussi aux autres animaux et même à toute créature ?

M. Z… – En effet, l’affaire est compliquée. Je suis un homme doux ; ainsi, en amour, je me sens bien plus solidaire de n’importe quels pigeons blancs ou bleus que du noir Maure Othello, quoique lui aussi soit appelé un homme.

LE GÉNÉRAL. – À un certain âge, tout homme raisonnable est en solidarité avec les pigeons blancs[1].

LA DAME. – Qu’est-ce que c’est encore que cela ?

LE GÉNÉRAL. – Un calembour, non pour vous, mais pour nous et pour Son Excellence.

L’HOMME POLITIQUE. – Laissons cela, je vous en prie, laissons. Trêve de plaisanteries[2]. Nous ne sommes pas sur la scène du théâtre Michel. Je voulais dire que le vrai substantif auquel s’applique l’adjectif russe, c’est le mot européen. Nous sommes des Russes européens, comme sont Européens les Anglais, les

  1. Nom d’une secte nasse. (Note de l’auteur.)
  2. En français. (N. d. t.)