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m’entretenir avec des personnes qui la représentent. Je vais vous dire ce que j’ai remarqué ; et cela, selon moi, tranche la question. En somme, tous ces messieurs qui bavardent contre l’Europe et contre notre européanisme ne peuvent absolument pas conserver le point de vue de notre indépendance gréco-slave. Tout de suite, ils se laissent entraîner dans la profession et dans la prédication de quelque confucianisme, bouddhisme, tibétisme, et de tout autre asiatisme indo-mongolique. Leur éloignement pour l’Europe est proportionnel à l’attraction que l’Asie exerce sur eux. De quoi s’agit-il, en réalité ? Admettons qu’ils aient raison au sujet de l’européanisme. Admettons que celui-ci soit une erreur extrême. Mais comment se fait-il qu’ils tombent, eux, fatalement, en sens opposé, dans l’autre extrême, c’est-à-dire dans l’asiatisme ? Ah ? Où donc s’est évaporé leur milieu gréco-slave orthodoxe ? Je vous le demande : où s’est-il évaporé ? Ah ? Il passait pour contenir en lui la chose essentielle. Ah ? Mettez le naturel à la porte : il rentre par la fenêtre. Le naturel, dans le cas présent, c’est qu’il n’y a pas du tout de type indépendant historique représentant la culture gréco-slave ; mais qu’il y a eu, qu’il y a et qu’il y aura la Russie comme grande frontière de l’Europe, du côté de l’Asie. Étant pays frontière, notre patrie, naturellement, ressent, beaucoup plus que les antres contrées européennes, l’influence de l’élément asiatique. Voilà en quoi consiste notre prétendue indépendance. Même Byzance n’avait pas une nature spéciale ; son originalité lui venait d’un mélange avec l’Asie. Voilà pourquoi, chez nous, dès