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l’État avait depuis longtemps cessé d’être un rêve, ayant pris déjà des formes réelles et déterminées. C’est ce qui se produit maintenant pour l’Europe, quoique – surtout parmi les masses ignorantes et les politiciens peu instruits – l’antagonisme national existe encore, incapable d’ailleurs de passer à n’importe quelle action importante. Il n’est pas de force à provoquer la guerre européenne, non ! Au sujet de la bienveillance, dont vous avez parlé, Général, je dois avouer que je ne la rencontre guère, non seulement dans les rapports entre nations, mais non plus au milieu de chaque nation, ni même au sein des familles isolées. Là où elle apparaît, elle se dément dès qu’il y a un os à ronger. Que faut-il en conclure ? Ce n’est pas une raison pour justifier la guerre civile ou le fratricide. Ainsi, sous le rapport international, peu importe que les Français et les Allemands n’aient pas de bienveillance les uns envers les autres, pourvu qu’ils n’en viennent pas aux coups. D’ailleurs, je suis sûr que cela n’arrivera pas.

M. Z… – On doit en effet y compter. Mais si nous considérons que l’Europe forme un tout, il ne s’ensuit pas que nous soyons des Européens. Vous le savez, une opinion existe chez nous, assez développée depuis une vingtaine d’années, et d’après laquelle l’Europe, c’est-à-dire l’ensemble des peuples germano-romans, est un type constitué par la culture historique, et solidaire en soi, mais nous n’en ferions point partie et nous aurions notre type particulier, gréco-slave.

L’HOMME POLITIQUE. – J’ai entendu parler de cette variété de slavophilisme. Il m’est même arrivé de