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Moscou était solidaire de Novgorod ? Nierez-vous cependant qu’aujourd’hui la solidarité existe entre les gouvernements de Moscou et de Novgorod, dans la communauté des intérêts publics ?

LE GÉNÉRAL. – Non ; je dis seulement ceci : avant de vous déclarer Européens, attendez le moment historique où les nations européennes seront assemblées d’une manière aussi forte que le sont nos provinces dans l’empire russe. Nous n’allons sans doute pas nous déchirer entre nous pour nous rendre solidaires des Européens, qui sont déjà à couteaux tirés.

L’HOMME POLITIQUE. – Bon ! déjà à couteaux tirés ! Soyez tranquille. Vous n’aurez pas à vous déchirer entre la Suède et la Norvège, ni même entre l’Allemagne et la France, parce qu’elles n’iront pas jusqu’à se déchirer entre elles. Dès maintenant, c’est certain. Chez nous, beaucoup de gens prennent pour la France un groupe insignifiant d’aventuriers bons à être enfermés dans une prison où ils pourront manifester leur nationalisme et prêcher la guerre contre l’Allemagne.

LA DAME. – Ce serait une très bonne affaire si l’on pouvait resserrer dans une prison toute l’animosité nationaliste. Mais je crois que vous vous trompez.

L’HOMME POLITIQUE. – Naturellement, j’ai dit cela cum grano salis. L’Europe, dans sa superficie visible, n’est pas encore assemblée au point de former un tout ; c’est incontestable. Mais je maintiens l’analogie que j’ai empruntée à l’histoire. Chez nous, par exemple, le séparatisme des provinces existait encore au seizième siècle, mais alors il agonisait ; et l’unité de