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LA DAME. – Avouez cependant qu’à la longue [1] votre politique de lait caillé devient ennuyeuse.

L’HOMME POLITIQUE (froissé). – Si je n’étais pas interrompu, j’aurais depuis longtemps épuisé le sujet et cédé la parole à un interlocuteur plus intéressant.

La DAME. – Voyons, ne vous offensez pas. Je plaisantais. Je trouve, au contraire, que vous avez beaucoup d’esprit… pour votre âge et pour votre situation.

L’HOMME POLITIQUE. – Je disais donc que, maintenant, nous sommes solidaires du reste de l’Europe en ce qui concerne la régénération morale de la Turquie ; et que chez nous il n’y a pas et ne peut y avoir à cet égard aucune politique particulière.

Malheureusement, je dois aussi faire une autre constatation. Par suite de notre esprit relativement arriéré au point de vue civil, industriel et commercial, la participation de la Russie à cette œuvre commune de civilisation de l’empire turc ne peut pas, actuellement, être très considérable. Le rôle de premier rang qui appartenait à notre patrie commue puissance militaire ne peut plus aujourd’hui être le nôtre. On ne le possède pas gratuitement ; il faut l’avoir mérité. Notre importance militaire, nous l’avions acquise, non par de présomptueuses paroles, mais par des expéditions et des batailles réelles. Ainsi, notre importance civilisatrice, nous devons la gagner par des travaux et des succès réels dans le domaine de la paix. Si les Turcs ont cédé à nos victoires militaires, alors, sur le terrain de la civilisation pacifique, ils céderont, certainement,

  1. En français. (N. d. t.)