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L’HOMME POLITIQUE. – En quoi ? Il me semble évident qu’il ne consistera en rien de particulier. Selon vous, ce problème spécial, ce devrait être la Russie qui le poserait et qui le résoudrait séparément, et à l’encontre des aspirations de tous les autres peuples européens. Moi, je vous dis, à proprement parler, qu’une telle politique spéciale ne s’est jamais vue. Il y a eu chez nous quelques déviations de cette espèce, par exemple en 1850 et en 1870. Mais ces tristes déviations, la mauvaise politique dont j’ai parlé, ont amené avec elles leurs représailles, sous la forme d’insuccès plus ou moins gros. D’une façon générale, dans la question d’Orient on ne peut jamais distinguer une politique russe personnelle ou isolée. Son problème, depuis le seizième siècle et, s’il vous plait, jusqu’à la fin du dix-huitième, a consisté, de concert avec la Pologne et avec l’Autriche, à protéger le monde civilisé contre le péril, alors menaçant, d’une invasion turque. Puisque, dans cette œuvre de protection, il fallut (quoique sans alliances formelles) une action commune avec les Polonais, avec les Autrichiens et avec la République de Venise, alors évidemment, c’était une politique commune, et non une politique particulière. Eh bien ! au dix-neuvième siècle et d’autant plus au vingtième, qui arrive, elle conserve son ancien caractère commun, bien que, par nécessité absolue, le but et les moyens aient changé. Maintenant l’œuvre qui s’impose c’est, non pas de protéger l’Europe contre la barbarie turque, mais d’européaniser les Turcs eux-mêmes. Pour l’ancien programme, il fallait employer la force militaire ; et maintenant