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accomplit quelque travail difficile, je n’ai qu’à me réjouir et à remercier. Si, par contre, je me fâche, en demandant pourquoi c’est un autre et non pas moi, alors, je ne me conduis pas en homme comme il faut. De même, ce ne serait pas digne d’une nation telle que la Russie de se faire, selon le proverbe, le chien de garde qui ne mange pas de choux et ne laisse personne en manger. Quand d’autres, par leurs propres moyens, accomplissent une bonne action mieux et plus vite que nous, c’est tant mieux pour nous. Je vous demande quel a été le but des guerres que nous avons soutenues contre la Turquie, sinon de protéger les droits humains des chrétiens turcs ? Alors, qu’avons-nous à réclamer, si les Allemands atteignent le même but, d’une manière plus sûre, au moyen de procédés pacifiques, bref, en faisant l’éducation de la Turquie ? Considérez que, si, en 1895, ils avaient été installés solidement dans la Turquie d’Asie comme les Anglais l’étaient en Égypte, alors, certainement, on n’aurait pas eu à parler de massacres d’Arméniens.

LA DAME. – Ainsi, selon vous, il est nécessaire d’en finir avec la Turqule ; toutefois, vous voulez qu’elle soit mangée par les Allômands.

L’HOMME POLITIQUE. – Mais puisque je reconnais que la politique allemande est sage, je sais bien qu’elle n’a pas de goût pour des choses si indigestes. Son rôle serait plus délicat : introduire la Turquie au milieu des nations cultivées. Elle aiderait les Turcs à se civiliser et à devenir capables de gouverner, selon la justice et l’humanité, ces peuples qui, à cause de leur animosité