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mais toutefois non inoffensive, que prennent les bousculades parlementaires. La pente à de telles manifestations existera vraisemblablement aussi longtemps qu’il y aura des partis et des opinions hostiles. Pour refréner cet antagonisme, l’État continuera d’avoir besoin de la manus militaris, alors que les guerres extérieures – entre les nations ou entre les États – ne seront plus que de vieux souvenirs historiques.

LE GÉNÉRAL. – Autrement dit, vous assimilez la police au petit os du coccyx, qui subsiste chez l’homme après la disparition de cette queue dont les vieilles sorcières de Kiev sont seules à rappeler le souvenir. C’est spirituel, mais n’êtes-vous pas trop pressé de comparer notre soldat à la queue qui a disparu ? En voyant telle ou telle nation se gâter et se déchirer lamentablement, vous concluez que, dans le monde entier, l’esprit militaire est au déclin. Si, par des « mesures » et des « systèmes » quelconques, on pouvait transformer le soldat russe en kissel[1], que Dieu nous en préserve.

LA DAME (à l’Homme politique). – Tout de même, vous n’avez pas expliqué comment, sans recourir à la guerre, on pourra régler les questions historiques, entre autres la question d’Orient. Si piètres que soient les races chrétiennes orientales, les regarderons-nous les bras croisés lorsqu’elles montrent leur désir de posséder l’indépendance ? et aussi lorsque, pour ce motif, elles sont massacrées par les Turcs ? Admettons que vous ayez raison de critiquer, ainsi que vous le

  1. Kissel, espèce de gelée aigrelette. (N. d. t.)