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cessons d’être au-dessus des partis. En adhérant à l’un des deux partis et, ainsi, en équilibrant leurs forces opposées, est-ce que nous ne créons pas entre eux la possibilité du choc des armes ? Voyez donc : réduite à ses seules forces, la France ne pouvait combattre la triple alliance ; – mais, soutenue par la Russie, elle le peut.

L’HOMME POLITIQUE. – Ce que vous dites serait parfaitement exact si quelqu’un avait envie d’entreprendre la guerre. Mais j’ose vous assurer que personne ne la désire. En tout cas, ce serait bien plus facile pour la Russie de retenir la France dans les voies de la paix que, pour la France, d’entraîner la Russie dans les voies de la guerre, au fond, également indésirable à l’une et à l’autre. Ce qu’il y a de plus tranquillisant, c’est surtout ce fait que les nations d’aujourd’hui non seulement ne veulent plus combattre, mais, chose essentielle, cessent de savoir combattre. Comme exemple, prenez, si vous voulez, le dernier conflit : – hispano-américain. Est-ce une guerre ? Non, je vous le demande : est-ce une guerre ? Plutôt une comédie de marionnettes ; le combat de Pierrot Vinaigre avec le commissaire. « Après une bataille ardente et prolongée, l’ennemi a battu en retraite, ayant perdu un homme tué et deux blessés. De notre côté, aucune perte. » Ou bien : « Toute la flotte ennemie, après une résistance désespérée contre notre croiseur Assez d’argent, s’est rendue sans conditions. D’un côté ou de l’autre, il n’y a ni tué ni blessé. » Telle fut la physionomie de toute cette guerre. Ce qui me frappe, c’est que tout le monde soit si peu frappé