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plans de votre esprit. Vous êtes, je le suppose, autant pour l’Autriche que pour la Turquie ?

L’HOMME POLITIQUE. – Sur ce sujet-là, je ne tiens pas à m’étendre, parce que des hommes beaucoup mieux informés que moi – les chefs du nationalisme bohème – l’ont depuis longtemps déclaré : « Si l’Autriche n’existait pas, il faudrait l’inventer. » Les récentes batailles parlementaires de Vienne illustrent à merveille cet aphorisme. Elles forment une miniature symbolique de ce que produirait dans ces pays la disparition de l’empire des Habsbourg.

LA DAME. – Et que direz-vous de l’alliance franco-russe ? Il semble que vous vous abstenez toujours d’en parler.

L’HOMME POLITIQUE. – En effet, pour le moment, je n’ai pas l’intention d’entrer dans les détails de cette affaire épineuse. D’une manière générale, je me bornerai à dire ceci : le rapprochement avec une nation progressiste et riche comme la France est, en tout cas, un avantage pour nous. Et puis, cette alliance est certainement une alliance de paix et de précaution ; du moins, c’est ainsi qu’elle est comprise dans les hautes sphères où on l’a conclue et où on l’entretient.

M. Z… – L’avantage que la morale et la science doivent recueillir de ce rapprochement est une question compliquée et, pour moi, encore obscure. Mais, au point de vue politique proprement dit, ne vous semble-t-il pas qu’en faisant alliance avec l’un des deux camps ennemis sur le continent européen, nous perdons le bénéfice que nous valait notre situation de troisième juge impartial, ou d’arbitre entre eux ; nous