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comme les gardiens de l’ordre et de la paix en Orient.

LA DAME. – Une paix et un ordre fameux, là, où, tout à coup, les hommes sont égorgés par dizaines de mille ! Je pense que mieux vaudrait n’importe quel désordre.

L’HOMME POLITIQUE. – Ainsi que je l’ai déjà exposé, les massacres avaient été provoqués par l’agitation révolutionnaire. Pourquoi exiger des Turcs ce haut degré de douceur et d’indulgence chrétiennes qu’on n’exige d’aucun autre peuple, même chrétien ! Citez-moi donc un pays où une révolte armée s’est apaisée sans qu’on eût pris contre elle des mesures cruelles et injustes. En résumé : premièrement, les Turcs n’étaient pas les instigateurs des massacres ; deuxièmement, les Turcs n’y ont pris qu’une petite part personnelle, n’agissant, dans la majorité des cas, que par la main des « démons » ; troisièmement, je reconnais qu’en laissant libre jeu aux « démons » le gouvernement turc a, cette fois, excédé, comme chiez nous Ivan IV en faisant noyer dix mille paisibles citoyens de Novgorod ; ou, comme en France, ont excédé les commissaires de la Convention, par leurs noyades et leurs fusillades ; ou, dans l’Inde, les Anglais, lorsqu’ils réprimèrent l’insurrection de 1857. Cependant, il est tout de même certain que si les divers coreligionnaires ou congénères des Éthiopiens, ainsi que les appelle le Général, étaient laissés à eux-mêmes, on verrait beaucoup plus de massacres qu’il n’y en a sous l’autorité de la Turquie.

LE GÉNÉRAL. – Est-ce que j’ai parlé de remplacer les Turcs par des Éthiopiens ? La question est simple :