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déchirer entre eux. Donc, à leur égard, le gouvernement turc est nécessaire, comme est nécessaire sur le sol de Jérusalem la présence de troupes turques, pour la paix et pour le bien-être des diverses confessions chrétiennes rassemblées dans ces lieux.

LA DAME. – Là ! Je supposais bien que vous voulez abandonner le Saint-Sépulcre aux Turcs, pour toujours.

L’HOMME POLITIQUE. – Et, naturellement, vous croyez que cela provient de mon athéisme ou de mon indifférence ? Pourtant, en réalité, je désire la présence des Turcs à Jérusalem uniquement par sollicitude pour une petite mais inextinguible étincelle de sentiment religieux, étincelle qui demeure en moi et qui date de mon enfance. J’ai la certitude qu’à la minute où les soldats turcs quitteraient les corps de garde de Jérusalem, tous les chrétiens qui sont là se mettraient à s’entrégorger, non sans avoir, préalablement, détruit toutes les choses saintes du christianisme. Si mes impressions et mes conclusions vous semblent suspectes, interrogez ces pèlerins en qui vous avez confiance, ou, ce qui serait le mieux, allez voir de vos propres yeux.

LA DAME. – Aller à Jérusalem ? Ah ! non. Qu’est-ce qu’on y voit encore ?… J’ai peur, j’ai peur !

L’HOMME POLITIQUE. – Bien, je constate.

LA DAME. – Mais comme c’est étrange ! Vous discutez avec le Général, et tous deux vous exaltez les Turcs.

L’HOMME POLITIQUE. – Le Général, probablement, les apprécie comme de braves soldats, tandis que moi