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reconnais que, dans le cas où il y a obligation personnelle de prendre une part active à la guerre et lorsqu’on se trouve en face de troupes turques irrégulières qui exercent de révoltantes cruautés sur une population paisible, tout homme… (en regardant le Prince) libre d’« absolus principes » préconçus doit, par sentiment et par obligation, détruire sans pitié de tels ennemis, comme l’a fait le Général, et non pas songer à la régénération morale dont le Prince s’est montré préoccupé. Mais je demande, d’abord, qui a vraiment la responsabilité de toutes ces horreurs et, en second lieu, quel résultat a procuré l’intervention militaire ? Pour répondre à la première question, je n’ai, en conscience, qu’à signaler la mauvaise politique guerrière, qui, tout en stimulant les passions et les prétentions des rajas turcs, a irrité la Turquie. On a commencé à massacrer des Bulgares lorsque la Bulgarie était pleine de comités révolutionnaires. Alors, les Turcs avaient lieu de craindre l’intervention étrangère et, en même temps, l’effondrement de leur État. De même en Arménie. Sur le second point – qu’est-il résulté de l’intervention ? – la réponse donnée par les événements d’hier est si simple qu’elle frappe l’esprit de tout le monde. Regardez. En 1877, notre Général détruit quelques milliers de bachi-bouzouks et sauve ainsi, peut-être, quelques centaines d’Arméniens. En 1895, dans la même région, les bachi-bouzouks massacrent non pas quelques centaines mais plusieurs milliers et peut-être des dizaines de mille de ses habitants. D’après certains correspondants (que d’ailleurs je ne garantis pas), près d’un demi-million