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du haut d’un balcon et d’absurdes signatures. Je pense que, sans la guerre de Crimée, les réformes d’Alexandre II se seraient accomplies quand même, et encore, s’il vous plaît, d’une manière plus profonde et plus complète. Mais je n’entreprendrai pas de le démontrer ; car je tiens à ne pas m’écarter de la question. En tout cas, les actes politiques ne peuvent pas être appréciés d’après leurs conséquences indirectes et imprévues. La guerre de Crimée, dans son principe, c’est-à-dire l’avance de notre armée sur le Danube, en 1853, n’a pas de justification raisonnable. Je ne puis considérer comme sensée une politique qui, un jour, applique le programme de sauver la Turquie des dévastations du pacha égyptien Méhémet-Ali, en s’opposant à la division du monde musulman et à l’existence de deux centres, Stamboul et le Caire, – ce qui, sans doute, n’aurait pas été un trop grand malheur pour nous – et qui, un autre jour, se prépare à détruire cette même Turquie qu’elle vient de sauver et de fortifier, et, en outre, accepte le risque de se heurter à une coalition européenne. Ce n’est pas de la politique : c’est une espèce de donquichottisme. J’en demande pardon au Général, mais je ne puis qualifier autrement notre dernière guerre.

LA DAME. – Et les bachi-bouzouks d’Arménie ? Vous avez approuvé le Général de les avoir exterminés.

L’HOMME POLITIQUE. – Je vous demande pardon ! Je soutiens qu’à notre époque la guerre est devenue inutile. Or, le récit encore tout frais que nous a fait le Général ne peut servir qu’à illustrer cette vérité. Je