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les espérances de ce jour se réalisent, la Russie possède un nouvel homme de génie : il ressemble à son père par ses manières et par sa tournure d’esprit ; mais il le dépassera. Jamais, à aucune soutenance de thèse, je n’avais constaté une puissance intellectuelle si prodigieuse. » Une foule d’auditeurs répétaient avec Zamyslovsky : « C’est un homme inspiré ; c’est un prophète ! »

Ce prophète de vingt et un ans avait déjà une histoire. Son extrême précocité de pensée et de culture lui avait fait subir, dès l’adolescence, la crise qui, en général, ne se produit que dans la seconde partie de la jeunesse ou même plus tard. À quatorze ans, il était devenu athée et, jusqu’à l’âge de dix-sept ans, il s’était débattu entre les systèmes les plus contradictoires, tous radicalement opposés à notre foi. Je l’ai entendu, dans une causerie intime, me raconter cette épreuve et parler du fol enthousiasme qu’il ressentait pour le matérialisme. C’était la maladie d’alors. Un prêtre français, qui a publié sur le grand philosophe russe un beau livre, très consciencieux et très intéressant, M. l’abbé d’Herbigny, a résumé avec délicatesse les phases de l’étonnante crise juvénile et aussi, d’ailleurs,