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LA DAME (à demi-voix). – Monte-Carlo…

L’HOMME POLITIQUE. –… s’est augmentée au point qu’une guerre entre ces nations aurait positivement, sous tous les rapports, le caractère d’une guerre civile ; chose inexcusable, étant donnée la possibilité que nous avons de régler pacifiquement les conflits internationaux. À notre époque, régler de telles questions par la guerre serait aussi fantastique que de venir de Pétersbourg à Marseille en bateau à voile ou en tarantass à trois chevaux. J’avoue cependant que « la voile solitaire blanchit » [1] et « l’audacieuse troïka s’emporte » [2] sont beaucoup plus poétiques que les coups de sifflet d’un bateau à vapeur ou le cri : « En voiture, messieurs ! » De même, je suis prêt à reconnaître que « l’acier hérissé » [3] et « les régiments s’ébranlent, agités, étincelants » [4] ont la supériorité esthétique sur les portefeuilles des diplomates et devant les tables de drap des congrès de la paix. Mais le sérieux exposé d’une question si vitale ne doit, évidemment, ressentir aucun souci d’une appréciation esthétique de cette beauté qui n’appartient pas à la guerre réelle – chose absolument laide, je vous assure, – mais seulement au reflet que lui donne l’imagination du poète ou de l’artiste. Quand une fois tout le monde commence à comprendre que la guerre, avec toutes les ressources qu’elle offre à la poésie et à la peinture, – en quoi les guerres passées suffisent amplement, – n’a plus aujourd’hui

  1. LERMONTOV, la Voile. (N. d. t.)
  2. POUCHKINE, la Grande route en hiver. (Id.)
  3. LERMONTOV, la Dispute du Kazbek et de l’Elbrous. (Id.)
  4. Ibid.