Page:Soloviev - Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, trad Tavernier, 1916.djvu/166

Cette page n’a pas encore été corrigée

LE GÉNÉRAL. – Mais je suppose qu’il ne dit pas cela à tout le monde. Sans doute, il a une autre prédication à l’usage des malfaiteurs et des meurtriers.

M. Z… – Certainement. Toutefois, en face de la défiance morale, il devient philosophe et même fataliste. Cela lui a valu d’inspirer de l’enthousiasme à une vieille dame très intelligente et très cultivée. Quoique de confession russe, elle avait fait son éducation à l’étranger. Ayant beaucoup entendu parler de notre Varsonophii, elle entra en relations avec lui. Il devint en quelque sorte son « directeur de conscience » [1]. Mais il ne la laissait guère lui parler des scrupules qu’elle éprouvait. Il lui disait : « Comment pouvez-vous être préoccupée de pareilles vétilles ? Qui est-ce qui a besoin d’en prendre souci ? Voyez donc : moi, pauvre moujik, ce que vous me racontez m’ennuie. Alors, pensez-vous que Dieu s’y intéresse ! » Et là-dessus d’expliquer : « Vous êtes vieille, vous êtes faible et jamais vous ne vaudrez mieux. » Elle me faisait ce récit en riant, avec des larmes dans les yeux. Elle essaya de le réfuter. Il arriva à la persuader par un récit emprunté à la vie des ermites d’autrefois. À nous, avec N…, Varsonophii l’a souvent raconté. Le récit est joli, mais peut-être vous paraîtrait-il un peu long.

LA DAME. – Résumez-le.

M. Z… – Je m’y appliquerai. Dans le désert de Nitrie, deux ermites travaillaient à leur salut. Bien que leurs cavernes ne fussent pas éloignées l’une de l’autre, ils ne se parlaient jamais ; sauf que, parfois,

  1. En français. (N. d. t.)