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un livre d’aspect ancien et commença à le feuilleter. – Rien que le titre a de la valeur. Ma-cro-bi-otique, de Hu-fland. Regarde ici, page 176… – Et, en faisant des pauses, il lut en entier la page où l’auteur allemand expose les inconvénients de dépenser sans mesure les forces de la vie. – Tu vois. Est-ce le fait d’un homme raisonnable de s’épuiser de la sorte ? Naturellement, dans l’absurde jeunesse, on ne connaît pas la valeur des choses ; mais, ensuite, elles nous deviennent chères. Se rappeler tout son passé et le déplorer en disant : – Pourquoi ai-je perdu mon innocence, la pureté de mon âme et de mon cœur ? – cela, je t’assure, cela est pure stupidité, et revient à faire le bouffon du diable. Il a lieu d’être flatté de ce que ton âme ne voie plus rien en avant ni en haut et que, tout entière, elle se débatte dans la boue. Voici mon conseil : quand le diable commence à te troubler par cette pensée de désespoir, crache par terre et essuie avec le pied, en disant : – Voici tous mes graves péchés ; ils ne sont pas très importants pour moi. – N’aie pas peur. il reculera. Je parle par expérience. Et ensuite, quelles sont tes autres iniquités ? Je ne m’imagine pas que tu te mettes à voler. Et si tu as volé – petit malheur : maintenant, tout le monde vole. Ne te préoccupe donc pas de ces bagatelles, mais, uniquement, tiens-toi en garde contre la tristesse seule. Quand s’éveille la pensée de tes fautes, lorsque tu te mets à te demander : – N’ai-je pas offensé quelqu’un de quelque manière ? – alors va au théâtre ou dans quelque compagnie joyeuse, ou lis un peu les journaux des histrions. Enfin, tu veux absolument de moi des règles ; en voici une pour ton