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est une partie. Pour moi, ainsi que pour les autres, il est beaucoup plus commode d’observer que de violer les lois de la politesse ; donc, je m’y conforme. Franchement, voyons, s’imaginer, comme l’a fait votre ami, que la politesse exigeait de lui qu’il répondit à toutes les lettres et à toutes les sollicitations, sans tenir compte des commodités ni des convenances – cela n’est pas la politesse, mais un absurde sacrifice de soi-même.

M. Z… – Le scrupule développé sans mesure a dégénéré chez lui en une manie funeste.

LA DAME. – C’est effroyable de songer qu’un homme ait pu périr par suite d’une telle stupidité. Est-ce que vous ne pouviez pas lui faire entendre raison ?

M. Z… – Je m’y suis efforcé de toute manière. J’avais même le très énergique concours d’un pèlerin du mont Athos, à moitié fou mais bien remarquable. Mon ami l’estimait beaucoup et le consultait souvent sur les affaires spirituelles. Cet homme, du premier coup, aperçut où était la racine du mal. Je connais parfaitement ce voyageur ; et parfois il m’est arrivé d’assister à leurs entretiens. Quand mon ami commençait à lui communiquer ses doutes sur une question de morale – avait-il eu raison en telle chose ? n’avait-il pas eu tort en telle autre ? – aussitôt Varsonophii l’interrompait : – « Oh ! Pourquoi te désoles-tu de tes péchés ? Laisse cela, c’est inutile. Écoute-moi donc : pèche cinq cent trente-neuf fois par jour, pourvu que tu n’en aies pas de regret. Voilà l’essentiel. En effet, pécher et se repentir, n’importe qui peut le faire ; mais,