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LE GÉNÉRAL. – En effet, j’ai vu des cas de folie qui rendent fous les gens qui les étudient de près. Non, ce n’est pas si simple.

L’HOMME POLITIQUE. – Mais enfin, évidemment, ici la politesse n’est pas en question. Pas plus que le trône d’Espagne n’était responsable de la folie du conseiller titulaire Popritschine[1], l’obligation de la politesse n’a joué un rôle dans la folie de votre ami.

M. Z… – Naturellement, je ne suis pas ennemi de la politesse, mais je refuse de l’élever au rang de règle absolue.

L’HOMME POLITIQUE. – Une règle absolue, de même que n’importe quelle chose absolue, cela c’est seulement une invention de gens qui n’ont pas le sens commun ni le sentiment de la réalité vivante. Je n’admets aucunes règles absolues ; j’admets seulement des règles indispensables. Par exemple, je sais très bien que si je n’observe pas la règle de la propreté, je me dégoûterai moi-même et je dégoûterai autrui. Comme je ne désire pas éprouver ni provoquer des sensations désagréables, je m’astreins inviolablement chaque jour à me laver, à changer de linge, etc. Je n’accepte pas cette obligation à titre d’usage admis par les autres et par moi-même, ou parce qu’elle a quelque chose de sacré et qu’on ne peut l’enfreindre sans pécher. C’est simplement parce que l’infraction dont il s’agit deviendrait, ipso facto, une incommodité matérielle. Tout à fait de la même manière j’envisage en général la politesse, dont, positivement, la propreté

  1. Allusion à l’œuvre de GOGOL, le Journal d’un fou.