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L’HOMME POLITIQUE. – Vous pourriez même dire que pour les voyageurs qui parcourent le centre de l’Afrique la seule politesse ne suffirait pas. Mais je parle de la vie régulière et journalière qu’on mène parmi des hommes cultivés. Là, aucun besoin d’aucune vertu supérieure, ni de ce qui s’appelle le christianisme. (À M. Z…) : Vous hochez la tête ?

M. Z… – Je songe à un triste évènement que j’ai appris ces jours derniers.

LA DAME. – À quoi donc ?

M. Z… – Mon ami N… est mort subitement.

LE GÉNÉRAL. – Le célèbre romancier ?

M. Z… – Lui-même.

L’HOMME POLITIQUE. – Oui, à propos de sa mort, les journaux se sont exprimés d’une manière assez obscure.

M. Z… – Obscure, c’est le mot.

LA DAME. – Mais pourquoi y songez-vous précisément à cette minute ? Serait-il mort par l’effet de l’impolitesse de quelqu’un envers lui ?

M. Z… – Au contraire, il a été victime de son excessive et propre politesse.

LE GÉNÉRAL. – Parmi nous, là-dessus, l’accord ne serait pas unanime.

LA DAME. – Racontez l’histoire, si c’est possible.

M. Z… – Elle n’a rien qu’on doive dissimuler. Lui aussi, mon ami pensait que la politesse est, non pas l’unique vertu, mais, en tout cas, l’indispensable premier degré de la moralité sociale. Il se croyait obligé d’en accomplir toutes les prescriptions, et de la manière la plus rigoureuse. Parmi ces devoirs, il s’était