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vienne le sujet en question[1], essayez donc de démontrer que la politesse est la seule vertu nécessaire. Démontrez sans insister ; ainsi que, dans un orchestre, on essaie les instruments avant de commencer l’ouverture.

L’HOMME POLITIQUE. – Oui, c’est cela ; lorsque les sonorités sont isolées. Cette monotonie va s’imposer, puisque, jusqu’à l’arrivée du Prince, presque personne n’entreprendrait de soutenir l’autre opinion et que, ensuite, devant lui, parler de la politesse serait insuffisamment poli.

LA DAME. – C’est certain. Et, maintenant, vos preuves ?

L’HOMME POLITIQUE. – Vous admettez, je pense, qu’on peut très bien vivre dans une société où ne se rencontre pas un seul homme chaste, ni un seul homme désintéressé, ni un seul homme capable d’abnégation. Moi, du moins, j’ai toujours tiré bon parti de ces compagnies-là.

LA DAME. – Par exemple, à Monte-Carle ?

L’HOMME POLITIQUE. – À Monte-Carle et dans tous autres lieux. Nulle part on ne ressent la nécessité d’avoir près de soi quelques représentants ni même un seul représentant de la vertu supérieure. Par contre, essayez donc un peu de vivre dans une société où pas un homme ne serait poli.

LE GÉNÉRAL. – Je ne sais de quelles sociétés vous voulez parier ; mais dans les campagnes de Khiva et de Turquie on aurait eu probablement de la peine à se passer des vertus autres que la politesse.

  1. En français. (N. d. t.)