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l’aide de quels instruments le Général se serait-il expliqué avec les bachi-bouzouks ?

LA PRINCE. – Je n’ai pas dit du tout qu’on pouvait, par la manière évangélique, produire un effet sur les bachi-bouzouks. J’ai dit seulement que l’homme rempli du véritable esprit évangélique trouverait, en telle occasion comme en toute autre, la possibilité d’éveiller dans les âmes enténébrées ce bien qui se cache au fond de toute créature humaine.

M. Z… – Réellement, vous pensez ainsi ?

LE PRINCE. – Sans avoir le moindre doute.

M. Z… – Eh bien ! alors, pensez-vous que le Christ ait été suffisamment pénétré du véritable esprit évangélique ? Ou non ?

LE PRINCE. – Qu’est-ce que signifie cette question-là ?

M. Z… Voici ce que je voudrais savoir : pourquoi le Christ n’a-t-il pas employé la force de l’esprit évangélique à éveiller le bien caché dans les âmes de Judas, de Hérode, des grands prêtres juifs et enfin de ce mauvais larron qu’on oublie tout à fait, d’ordinaire, quand on parle de son bon compagnon ? Là, cependant, il n’y a aucune difficulté insurmontable, au point de vue chrétien positif. Mais, de deux choses vous devez abandonner l’une : soit votre habitude d’alléguer le Christ et l’Évangile comme la plus haute autorité ; soit votre optimisme moral. Car vous ne pouvez pas vous servir du troisième moyen, assez souvent employé, qui consiste à nier le fait évangélique lui-même comme l’invention la plus tardive ou comme une explication des prêtres. Vous avez beau, pour